L'HOMME FACE AUX RISQUES VOLCANIQUES
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Mont Cameroun - Eruption 1999 (H.Gaudru)
Plusieurs millions de personnes dans le Monde vivent à proximité des volcans. A tous moments la colère meurtrière d'un cône volcanique apparemment paisible peu transformer les villes et les villages en autant de Pompeï moderne. link
Environ 50 à 60 volcans entrent en éruption chaque année à travers le monde. Les éruptions les plus importantes mettent en danger la vie et détruisent les zones de peuplement. Les volcans les plus dangereux se trouvent en grande majorité dans les pays du tiers monde comme le montre le nombre de victimes depuis l'an 1600. Dans ces régions, les éruptions sont particulièrement explosives et présentent un risque accru à cause de la densité de population et le regroupement des infrastructures autour de volcans potentiellement actifs.
L'atténuation des risques volcaniques est possible, mais elle nécessite la combinaison de nombreux éléments et notamment :
- La prévision scientifique
- La capacité de décision des autorités
- La prise de conscience des populations
1) L'aspect scientifique
Une bonne connaissance scientifique du phénomène éruptif et de ses diverses manifestations et une bonne connaissance de l'histoire du volcan comptent parmi les critères primordiaux afin d'envisager les types d'activité possibles et l'extension possible du phénomène et pouvoir évaluer le risque pour telle ou telle zone autour du volcan.
2) L'aspect politique
Le second acteur indispensable pour une réduction des risques volcaniques c'est l'autorité politique locale et nationale. En fonction des cartes de risques établies par les scientifiques, des informations communiquées, elle doit appliquer des mesures de prévention, édifier d'éventuels ouvrages de protection et prévoir des plans d'évacuation en cas d'extrême nécessité.
3) L'aspect social et humain
L'atténuation du risque volcanique passe également par une prise de conscience des populations susceptibles d'être menacées l'activité volcanique. Pour cela il est nécessaire de développer la communication entre les scientifiques, les autorités et le public afin de sensibiliser les populations aux dangers volcaniques qui peuvent se produire. Eduquer les autorités et informer les communautés.
La combinaison de ces éléments paraît indispensable pour limiter au maximum les risques volcaniques.
Dans la réalité ceci ne va pas toujours sans poser de grands problèmes et le premier challenge dans le domaine de la réduction des risques volcaniques est donc de faire passer le message entre les composantes scientifiques, politiques, économiques, sociales et humaines. Il arrive encore parfois que par manque de connaissance, l'un des groupes considérés ne perçoit pas le risque à sa juste mesure et "brise" l'indispensable connexion entre les acteurs.
QUESTIONS ET REPONSES
Dans le domaine de la gestion du risque volcanique de nombreuses questions se posent aux différents acteurs concernés. Avant, pendant et après la crise, chacun des responsables doit pouvoir répondre à l'attente des populations de la manière la plus claire et la plus précise possible. Parmi ces questions importantes :
A) Comment détecter les précurseurs et les interpréter de manière à envisager l'évolution de l'activité ?
Le développement des méthodes pour prédire les éruptions volcaniques est extrêmement important. La détection des précurseurs est d'autant plus certaine si le volcan est bien surveillé et bien instrumenté. La présence d'un observatoire permanent est un moyen important dans ce domaine. Les éruptions volcaniques sont souvent annoncées plusieurs années, plusieurs mois, plusieurs jours à l'avance par l'apparition de séismes qui s'accroissent peu à peu avant le commencement de la phase éruptive et qui signalent la remontée du magma vers la surface. La lente ascension du magma peut être mesurée par des instruments géodésiques moderne, notamment la déformation du sol. La température des émissions fumerolliennes et le changement de leur composition isotopique peuvent également fournir des informations importantes (géochimie).
Dans la première phase de détection des signes précurseurs, il est difficile de savoir exactement si ceux-ci iront en augmentant ou non et donc si la situation est susceptible d'évoluer dangereusement. L'aspect économique n'étant pas un des moindre, dans ce cas quelles sortes d'équipements scientifiques faut-il installer ?, combien de temps faut-il consacrer à ce volcan en particulier dont rien ne prouve au début que cela aboutira à une éruption pouvant mettre en péril des populations ?
Mais si rien n'est fait, il y a un risque que le volcan entre en éruption sans que l'alerte puisse être donnée et dans ce cas les scientifiques auront failli à leur travail.
B) Quand l'éruption commencera t-elle ?
La prédiction d'une éruption est souvent possible lorsque les signes précurseurs augmentent de façon régulière et exponentielle. Dans la grande majorité des cas, une éruption se produit, mais pas toujours obligatoirement. Certaines formes d'activités volcaniques se produisent sans précurseurs. Pour tenter d'appréhender au mieux le début d'une éruption il est nécessaire ici d'avoir un maximum de données dans un temps le plus court possible. Parfois, pour des raisons diverses, les scientifiques préfèrent encore "ruminer" lentement leur propre données de façon méthodique et dans la tranquillité de leur laboratoire ; toutefois en cas de crise, les données recueillies par tel ou tel scientifique doivent pouvoir être examinées par l'équipe en charge le plus rapidement possible.
C) Quelle forme d'activité prendra l'éruption ?
Grâce au progrès de la volcanologie il est maintenant possible d'estimer la probabilité l'extension et la magnitude de chaque type d'éruption, (coulée de lave, retombées, coulées pyroclastiques, etc...) mais il est encore souvent difficile de pouvoir avec exactitude réaliser une prédiction du type et de la magnitude d'une éruption imminente spécifique. En sachant cela, les scientifiques doivent-ils faire part du scénario le pire pouvant se produire ou restreindre l'information auprès des autorités et du public pour éviter des conséquences locales humaines et économiques indésirables (pertes de travail, suspension des polices d'assurance, panique, etc...)
D) Si une éruption est déjà commencée, ira-t-elle en augmentant ou en diminuant ?
Au vu des connaissances actuelles et de l'expérience acquise au cours des 30 dernières années, il est globalement possible d'envisager l'évolution probable de tels ou tels types d'éruptions. Dans le détail cependant, il demeure encore parfois extrêmement difficile d'interpréter sans erreur possible les différents paramètres souvent complexes relevés au cours d'une éruption volcanique.
Quand la probabilité d'un accroissement de l'éruption s'avère importante, les scientifiques doivent prévenir les autorités (ni trop tôt...ni trop tard) avec toujours le risque de déclencher une fausse alerte.
Lorsque l'alerte est donnée par les scientifiques, on peut se heurter parfois au scepticisme des autorités et plus généralement à l'incrédulité des populations :
"IMPOSSIBLE CELA NE PEUT PAS NOUS ARRIVER" est une phrase que j’ai souvent entendue, car les catastrophes n'arrivent qu'aux autres, c'est bien connu.
On peut également se heurter au scepticisme ou à la pression d'intérêts économiques locaux. Certains officiels ne délivrant pas à temps le message d'alerte des scientifiques. Dans cette situation, faut-il continuer à travailler avec les services officiels ou bien les court-circuiter en informant directement le public ?
Si les autorités reçoivent le message, la prochaine question d'importance qui se pose concerne à la fois les scientifiques et les autorités
E) Evacuer ou ne pas évacuer ?
La décision d'évacuer une population nécessite un diagnostic rapide et sûr qu'il est souvent difficile de formuler. Une décision comme celle-ci dépasse le cadre strictement scientifique et pose des problèmes humains, sociaux, économiques et politiques.
Les autorités politiques en charge d'organiser l'évacuation des populations sur avis des scientifiques doivent avoir une réponse claire et nette de leur part.
F) S'il y a plusieurs réponses des scientifiques, que devons nous penser ? disent les responsables
Il est indispensable en effet que les scientifiques parlent d'une seule et même voix pour ne pas que les autorités se pose cette question. Il faut donc qu'il y ait un consensus. Cependant celui-ci n'est pas toujours possible, notamment pendant les crises où chacun est sous la pression du temps. Faut-il que le responsable scientifique attende pour obtenir ce consensus ou bien informer les autorités avant celui-ci et décrire les hypothèses envisagées par chacun avec le risque de voir la crédibilité diminuer.
S'il y a consensus, il est nécessaire d'exprimer de façon simple et claire aux autorités pas forcément habitué aux jargons scientifiques les événements susceptibles de se produire et par rapport à cela les mesures qu'ils doivent prendre.
Parmi les décisions des autorités il faut savoir qui, quand et comment avertir les populations et également quels messages envoyer. La réaction des populations est essentielle et c'est pour cela qu'elle passe par une sensibilisation préalable par l'information et la communication.
Après le diagnostic et les mesures qui en découlent, survient une question importante pour les autorités et les populations (notamment si l'évacuation a eu lieu)
G) Combien de temps durera l'éruption ?
A cette question, il est difficile de répondre d'une manière précise. Selon le volcan ou le type de processus éruptif une éruption volcanique peut durer de quelques jours à quelques mois voire quelques années. Il est donc important pour les scientifiques de suivre l'évolution de l'éruption en intégrant un maximum de paramètres pour tenter de détecter les signes de fin d'activité. Il reste qu'en ce domaine le diagnostic du scientifique devra être prudent malgré les pressions éventuelles des autorités et de la population pressée de revenir chez-elle après une évacuation.
H) Après la fin de l'éruption que se passera-t-il ?
Enfin, quand l'éruption se termine, il se produit fréquemment des phénomènes secondaires, qui peuvent être parfois aussi meurtriers et dévastateurs que le paroxysme éruptif. Des phénomènes comme les éboulements de terrain et surtout les lahars sont souvent autant sinon plus meurtriers que l'éruption elle-même. Il est nécessaire ici d'étudier en détail le type, l'étendue et la morphologie des dépôts afin d'en déduire les éventuels risques pour les populations. Des cartes d'aléas des zones susceptibles d'être touchées en fonction de la topographie et la nature des terrains seront de la plus grande utilité pour les autorités. Une bonne communication entre toutes les parties concernées permettra d'atténuer le risque qu'il y ait de nouvelles victimes après l'éruption.
En conclusion
Si étudier, prévoir et alerter est la tâche première des scientifiques, il faut également absolument faire l'effort d'éduquer les responsables, les médias et les habitants et s'assurer qu'ils prennent les mesures appropriées. C'est en fonction de tous ces facteurs que l'on pourra vraiment faire le maximum pour atténuer de manière significative les effets des éruptions volcaniques, et sauver ainsi des vies humaines.
Néanmoins il faut aussi savoir accepter par humilité le fait que tout ne peut pas être prévu et que la nature reste, fort heureusement en dernier lieu maîtresse des événements.
H.Gaudru©2007
Henry Gaudru, président de la Société Volcanologique Européenne., membre de la Commission Internationale pour l'atténuation des risques volcaniques (IAVCEI) – Cities in Volcanoes Commission.
Conseiller scientifique auprès des Nations Unies pour la réduction des risques volcaniques (UNISDR)